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Des cycles de vie

Resilience

Des cycles de vie

Du bâti à l’économie circulaire

Questions à Elodie Macé, ingénieur, spécialiste des matériaux durables, elle collabore au projet de recherche européen en économie circulaire Buildings As Material Banks (BAMB). Elle participe notamment au projet de recherche de la Fondation Energie/ CSTB (Centre scientifique et Technique du bâtiment) sur la thématique de la déconstructibilité.

Sonia Henry : Vous êtes ingénieur, spécialiste des cycles de vie du bâti, quelles solutions pour des bâtiments et aménagements résilients face aux nouveaux risques climatiques ?

Elodie Macé : Le secteur de la construction est le premier émetteur de CO2, devant les transports. Si l’on pense souvent aux émissions dues à l’énergie de fonctionnement des bâtiments (chauffage, électricité…), on oublie souvent le carbone lié aux matériaux en eux-mêmes : ces impacts sont liés à leurs méthodes d’extraction, leurs modes de production et leur transport jusqu’au chantier où ils sont finalement installés. Nous devons challenger nos pratiques de construction habituelles pour mettre en œuvre de nouveaux matériaux moins émetteurs et réduire les émissions de gaz à effet de serre : recourir autant que possible à la construction bois, au béton bas carbone, et aux matériaux de réemploi.

Sur le volet de la consommation énergétique en exploitation, les bâtiments doivent aussi garantir une consommation minimale d’énergie et une conception bioclimatique, on l’oublie souvent, est la première étape d’une construction durable, privilégiant au maximum les solutions passives pour chauffer et rafraîchir les bâtiments. Dès l’étape de conception, il est important d’intégrer les évolutions climatiques et de les intégrer aux simulations thermiques dynamiques afin que les bâtiments d’aujourd’hui soient toujours adaptés aux futurs écosystèmes.

Les solutions que je viens d’évoquer concernent la limitation de notre contribution au réchauffement climatique, mais nous devons être conscients des changements et risques qui ne vont cesser d’augmenter. Ces thématiques sont encore peu traitées aujourd’hui. Nous pouvons par exemple évoquer la problématique des îlots de chaleur urbains : le développement d’espaces verts sur les projets de bâtiments et les aménagements urbains est indispensable pour le rafraîchissement des villes. L’anticipation des inondations est également un sujet émergent que nous devons traiter : les dispositifs de rétention d’eau et d’infiltration doivent être intelligemment conçus dans les aménagements paysagers et nous devons concevoir des projets qui pourront supporter des inondations ponctuelles dans les zones à risques, lorsque les installations de rétention ne seront pas suffisantes. Réaliser les niveaux inférieurs dans des matériaux qui supporteront une immersion et installer les systèmes techniques dans des espaces qui seront épargnés par une éventuelle montée des eaux sont par exemple des pistes de réflexion.

 

SH : Il faudrait promouvoir l’utilisation de ressources et d’énergies locales, quelle serait l’économie circulaire du bâtiment et les expérimentations locales allant dans ce sens ?

EM : On entend de plus en plus parler d’économie circulaire : nous sommes confrontés à un monde où l’on a pris l’habitude de consommer les ressources de façon éphémère. Le secteur du bâtiment produit énormément de déchets dus à un renouvellement extrêmement rapide du stock : nous sommes passés de d’édifices presque éternels à des constructions que l’on détruit parfois au bout d’une dizaine d’années. Je pense notamment aux bâtiments de bureaux dont la durée de vie constatée est de plus en plus courte. Nous devons repenser le modèle classique de l’économie linéaire où les matériaux deviennent déchets et, en les voyant plutôt comme des ressources, travailler à réinjecter les produits obsolètes sur certains bâtiments dans de nouveaux projets, le plus localement possible afin d’éviter les impacts environnementaux liés au transport. L’idéal serait d’avoir une visibilité sur les chantiers de construction ou de déconstruction sur un même territoire, afin de pouvoir relier l’offre et la demande. Nous savons déjà réemployer certains types de matériaux et devons poursuivre les expérimentations afin de généraliser ces pratiques. Nos voisins Belges et Néerlandais sont bien plus en avance que nous sur le sujet, et nous avons beaucoup à apprendre d’eux !

 

SH : Comment construire une ville numérique à visage humain ?

EM : Le numérique a certes de nombreux avantage et permet de concevoir des bâtiments ou services intelligents, mais il faut rester conscient que la multiplication de capteurs, composants électroniques, etc induit un effet contreproductif en impliquant d’autres impacts environnementaux à d’autres moment du cycle de vie des installations. La numérisation doit donc se développer avec parcimonie et intelligence. Dans certains cas la digitalisation excessive va contre le bon sens et contre un côté humain. Tout est question de mesure, et il s’agit de s’adapter au contexte, à l’échelle et aux enjeux de chaque projet afin d’y étudier la pertinence d’outils numériques. Il est important de retenir qu’une bonne conception passe par un maximum de solutions passives et tous les systèmes supplémentaires mis en œuvre doivent rester secondaires.

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