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Bambou, chanvre, paille...

Biodiversite

Bambou, chanvre, paille...

Bras de fer engagé contre le béton

Trois questions à Dominique Gauzin-Müller, architecte - écologue

Mélicia Poitiers
L’utilisation des fibres végétales dans l’architecture présente de nombreux avantages. Elle est pourtant encore marginale. Pourquoi ?
 

Dominique Gauzin-Müller
Malheureusement, le béton est encore le matériau le plus utilisé en Europe et notamment en France. Il est porté par de grands groupes tels que Vinci, Bouygues ou encore Eiffage et les architectes, les promoteurs et les constructeurs ont du mal à s’en détacher. Pourtant, rappelons que la filière béton représente environ 7 % des émissions mondiales de CO2. De plus, l’explosion démographique induit une forte demande en constructions alors même que le sable, matière première du ciment, est de plus en plus rare et de plus en plus cher. Nous devrions conserver le béton lorsqu’il est indispensable, par exemple pour les fondations, et privilégier sinon les matériaux biosourcés, la terre ou la pierre. La structure, l’isolation, le bardage et la couverture peuvent être réalisés en fibres végétales.

MP 
Ces matériaux biosourcés conviennent-ils vraiment à tout type de construction ?

DG-M 
Oui, il suffit d’adapter les matériaux utilisés à la fonction et à l’environnement du bâtiment. Le problème, c’est que les matériaux biosourcés sont victimes de nombreux préjugés. Par exemple, beaucoup pensent que la paille brûle... C’est faux ! Pour qu’il y ait un feu, il faut de l’oxygène. Mais il n’y a pas d’oxygène dans la paille compressée utilisée en isolation. Des essais réalisés par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) en 2012 ont démontré la résistance au feu de murs isolés en paille. Autre idée reçue : le bambou serait n et fragile... C’est faux également ! Le rapport entre le poids et la résistance du bambou est supérieur à celui de l’acier. Il est d’ailleurs surnommé « l’acier vert ». On croit aussi que les fibres végétales coûtent plus cher que les matériaux plus communs mais une botte de paille ne coûte que quelques euros. Et le prix des matériaux biosourcés diminuerait si leur utilisation devenait plus courante. En Autriche, grâce à l’optimisation des techniques, la construction en bois est déjà au même prix que la construction béton.

MP
Comment faire en sorte qu’ils soient davantage utilisés ?

DG-M 
Les acteurs de la construction doivent avoir la volonté de s’engager et être mieux informés sur le sujet. Cela nécessite de former les architectes pour qu’ils conçoivent des projets avec des matériaux en fibres végétales et les artisans pour qu’ils soient capables de les mettre en œuvre. Les normes et les réglementations doivent aussi évoluer car elles ne sont pas du tout adaptées aux matériaux alternatifs. Et, surtout, il faut parvenir à convaincre les contrôleurs techniques et les assureurs, aujourd’hui encore très réticents. Sans leur aval, aucun projet ne peut aboutir.

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